Cyn face à l'épidémie

par ren Dim 2 Juin - 19:22

Je m’appelle Cynthia, je suis née en Lorraine. Fille d’ouvrier, j’ai grandi dans cette région de caractère, où l’on apprend vite que si on rêve d’un avenir meilleur, il va falloir s’en donner les moyens.

J’ai donc entrepris des études de mécanique. Après mon diplôme d’ingénieur, à Paris, j’ai choisi de rejoindre Annecy pour le travail. J’ai su me faire une place dans ce milieu masculin, et ma foi je m’y sens à ma place. Ou plutôt sentais. La première fois que j’ai entendu parler de la contamination, j’étais au travail.
Petit à petit, tout le monde s’est rassemblé autour de la radio. On avait du mal à croire à ce qu’ils racontaient. Comment croire que tant de gens deviennent des meurtriers sanguinaires comme ça, sans raisons apparentes, et si brusquement ? Ils ont parlé d’un possible attentat, d’un virus ou quelque chose comme ça…
Quand on a appris que l’armée allait intervenir d’urgence, on a compris que c’était vraiment grave. Chacun est parti pour tenter de rejoindre sa famille avant qu’ils ne bloquent les rues. Pour ma part j’ai appelé ma petite cousine, qui étudiait en internat au collège d’à coté. Le trajet pour aller la rejoindre n’a pas posé de problème. Il n’y avait pas autant de panique que je l’aurais cru. Mais trois quart d’heure pour rentrer, il faut croire que c’était trop long.

J’ai vu le premier contaminé juste avant de sortir de la ville. Ça je ne l’oublierai jamais. Une femme. Enfin dans un autre univers, ça avait du être une femme. Elle était couverte de sang, les vêtements en lambeaux. Son bras gauche n’était plus que de la charpie. Sa joue était profondément entaillée, au point de voir ses dents. Elle s’est approchée de la voiture. Ni ma cousine ni moi ne bougions, nous étions terrifiées. Puis elle s’est littéralement jetée sur la voiture, en tambourinant le pare-brise. J’en avais assez vu. J’ai reculé, puis accéléré autant que possible, et l’ai contourné de justesse. C’est là que j’ai réalisé. Qu’elle n’était pas la seule. Que de chaque coin de rue ils apparaissaient. Que la voiture était cernée.
Leur corps décharnés et couverts de sang se tenaient tout autour de nous. Alors tant pi pour eux. J’ai enfoncé l’accélérateur, et je me suis frayée un chemin. A coup de capot. Vu leur état, je ne pouvais pas leur faire beaucoup plus de mal de toute façon… Le bruit que ça faisait… Rien que d’y penser ça me glace le sang.
Mais j’aurai dû me douter que ça ne marcherai pas longtemps. Près d’une usine désaffectée je suis sortie de la route, et ai percuté une borne. Une stupide borne... On est donc sorties de la voiture, et on s’est mises à courir pour fuir les contaminés qui étaient autour de nous. Ma cousine a été très courageuse. Du haut de ses 16 ans, elle n’a pas dit un mot, et a su garder la tête froide et me suivre. Mais elle s’est tordu la cheville. Et ils ne nous lâchaient pas. On a tant bien que mal rejoint un des bâtiments. Mais ils étaient toujours nombreux à nous suivre. On est donc entrés par une des fenêtres, et quand j’ai trouvé une salle avec une porte qu’on pouvait fermer avec un verrou intérieur, je lui ai dit de se cacher pendant que j’essayais de trouver de l’aide.
Et qu’est-ce que j’aurai pu faire ? Me terrer avec elle, en attendant qu’ils se décident à partir ? Non, la seule solution, c’était que je trouve des gens, ou une autre voiture qui pourrait nous emmener loin d’ici. J’ai couru aussi vite que j’ai pu. J’ai tenté de suivre la route, mais les créatures étaient partout. Et le soir approchait. J’ai donc décidé de rejoindre ma cousine et de rester au moins pour la nuit en sécurité. Mais quand je suis arrivée… Je n’ai trouvé qu’une porte grande ouverte, et une pièce vide. Elle n’a que 16 ans… Je dois la retrouver, la protéger. C’est ma responsabilité. Et quant à eux… Ils sont toujours là, dehors, à roder. Je les entend…

Déjà deux mois… Deux mois que cet enfer a commencé, et que notre monde a pris fin. Je n’ai pas réussi à trouver ma cousine. Je n’ose imaginer quelle fin horrible elle a connu. J’espère seulement qu’elle n’a pas fini comme eux… Car cette saloperie est vraiment contagieuse. J’ai vu des gens se faire mordre, et devenir comme eux seulement quelques heures après. J’ai passé plusieurs jours à chercher dans les bâtiments alentours, mais aucune trace d’elle. Mais avec tous ces rôdeurs, j’ai fini par me résigner et partir. Depuis je bouge beaucoup, j’essaye de ne pas rester au même endroit plus de quelques jours. Je fais des raids dans de petites boutiques pour trouver à manger. Pour l’instant ça marche pas mal, il y a de quoi faire. J’ai même fait quelques réserves dans 2/3 endroit en ville, en cas de besoin… Mais combien de temps cela va-t-il durer ? Je crois que je vais devoir me trouver des petits coins pour cultiver, dans des jardins en banlieue si ça continue. Les autorités ne font rien. Les autorités n’existent sans doute plus d’ailleurs. Je croise encore des non-contaminés de temps en temps, mais cela devient de plus en plus rare. Au début j’avais rencontré un couple. Nous étions restés ensemble quelques temps, cela permettait de faire des tours de garde et d’avoir de la compagnie, c’était plutôt sympathique. Mais ils nous ont trouvé, ils nous trouvent toujours… J’ai réussi à m’enfuir par les toits à la dernière minute. Depuis j’évite de m’attache à d’autres survivants. On fait toujours plus de bruit, ou on prend plus de temps pour se déplacer. Pour l’instant je préfère rester seule, c’est mieux comme ça, tant que l’objectif est de survivre…
Je voyage léger, pratique, et le pied de biche est devenu mon meilleur compagnon, tant pour ouvrir les portes que lorsque je dois me défendre contre ces saloperies. Je me suis trouvée un équipement de base : lampes, couverture thermique, petit réchaud, trousse de soins,… Et me suis aménagée quelques « tanière » en fonction de mes déplacements réguliers.
Maintenant il faut que j’aille de l’avant. Trouver des objectifs simples, trouver un rythme. Apprendre au maximum à me débrouiller par moi-même. Mais c’est difficile lorsque toute la civilisation que vous connaissez s’est écroulée en si peu de temps… Avec de la patience, peut-être saurons-nous nous rassembler, et surmonter cette invasion. Et alors il faudra reconstruire, dans un monde qui nous est à présent inconnu…

Quand à eux… Ils sont toujours là, dehors… Je les entend roder…